Whisky d'Écosse

FONDATEURS & HÉRITIERS

Dans les années 1850, les premiers blenders révolutionnent l’industrie du whisky écossais. Ces épiciers de Glasgow et d’Édimbourg ont donné naissance au XIXe siècle aux plus grandes marques de blends qui dominent aujourd’hui encore le marché, à l’image de Johnnie Walker ou Chivas. En référence à ces pionniers, ce chapitre s’ouvre avec Compass Box qui, sous la houlette de John Glaser, réinvente l’art de l’assemblage depuis 2000.

Si les assembleurs ont façonné le marché du whisky, ce dernier ne serait pas le même sans les embouteilleurs indépendants qui ont grandement contribué à asseoir la réputation des single malts. Les premières pages de ce chapitre leur sont ainsi dédiées. À commencer par la gamme Artist #13 composée par La Maison du Whisky avec la société de négoce Hua Yang, acteur majeur du marché taïwanais et détenteur d’un stock impressionnant de fûts parmi lesquels des whiskies de la légendaire distillerie Karuizawa.

Ce chapitre place au premier plan les plus anciennes de ces maisons de négoce : Berry Bros. & Rudd et Gordon & MacPhail qui ont respectivement vu le jour en 1698 et 1895, Douglas Laing (1948), Silver Seal (1979) ou encore Signatory Vintage (1988). Autant d’acteurs historiques qui ont permis à de nombreuses distilleries telles Caol Ila, Glen Grant, Ardbeg, Bunnahabhain ou Mortlach de se faire un nom en dehors des frontières écossaises.

À l’image de ces pionniers du négoce, la nouvelle génération d’embouteilleurs indépen- dants s’attache, elle aussi, à sélectionner des single malts exclusifs, en valorisant le plus souvent des versions brutes de fût. C’est notamment le cas de Fox Fitzgerald, Whisky Sponge, Hidden Spirits et Elixir Distillers, nés après 2000. Enfin, cette section dédiée au négoce s’achève avec la seconde collection Artist#13, développée avec la Scotch Malt Whisky Society, embouteilleur réputé dans le monde entier, qui fête en 2023 ses quarante ans.

Dans la seconde partie de ce chapitre consacré à l’Écosse, la sélection remonte le cours de l’histoire. Elle met d’abord en lumière les plus jeunes distilleries de whisky : Isle of Harris (2015) qui lance son premier whisky, The Hearach, la ferme distillerie Kilchoman (2005) ou encore Lochranza (1995) et Lagg (2019) qui ont accueilli le projet de création musicale de Saycet avec enthousiasme. Puis, faisant un saut dans le siècle précédent, le catalogue poursuit avec les distilleries qui ont façonné dès le début du XIXe siècle l’identité du whisky écossais.

RENCONTRE AVEC WANG YUNG CHIU

Pour concevoir les étiquettes de cette nouvelle édition, La Maison du Whisky a sollicité le peintre taïwanais Wang Yung Chiu. Rencontre avec l’artiste, fervent amateur de whisky.

Parlez-nous de votre parcours d’artiste ?

J’ai eu la chance de savoir très tôt que je voulais faire de la pratique artistique mon métier. Mes parents ne nous ont pas élevés dans cet univers, mais j’ai eu probablement plus de temps qu’eux, dans ma vie, pour explorer cette voie. C’est à l’école élémentaire que j’ai découvert l’art. Mon professeur principal, qui avait bien repéré la sensibilité et l’intérêt que j’avais pour l’art, s’était arrangé pour que je puisse suivre des cours d’arts plastiques à la place de l’éducation physique et sportive. J’ai naturellement effectué un cursus en art en intégrant le Cornish College of theArtsdeSeattle.

Pouvez-vous décrire le processus de création et votre technique pour réaliser les œuvres de la gamme Artist ?

Je prépare la surface de mes toiles à base de latex, une matière qui se craquelle en séchant et qui dessine des fissures. La taille de ces crevasses varie en fonction de l’humidité ambiante et du temps de séchage qui peut aller de 3 jours à 2 semaines. Ensuite, pour les versions colorées, j’applique de la peinture à l’eau sur cette base pleine de craquelures qui retiennent la couleur. Je nettoie la peinture avant de recouvrir de nouveau la surface et de l’essuyer encore, et ainsi de suite. La toile présente ainsi un aspect mat et sans lustre, sans vernis. La surface ne retient plus que des traces, des tâches de cette peinture que j’ai frottée et lavée maintes et maintes fois. Mon travail se définit par ce geste très répétitif.

Vous travaillez donc sur les empreintes plus que sur la recherche de la couleur pure ?

Mes toiles restent colorées après que j’ai appliqué et lavé de multiples couches de peinture. Ce processus symbolise pour moi l’action du temps sur toute chose. De la couleur très saturée, pleine de pigments, il ne reste plus qu’une trace ténue et mate. Mes peintures ont quelque chose en commun avec les vestiges aux couleurs très fragiles que l’archéologue exhume lors de ses fouilles.

La fissure apparaît aussi comme un leitmotiv dans vos œuvres, que symbolise-t-elle ?

Dans toutes mes œuvres, j’expérimente autour de ce motif de la faille que la préparation à base de latex crée en séchant. C’est pour moi, comme les empreintes de peinture, une métaphore de l’existence. Nous avons tous le sentiment inné que l’on va disparaître. Qu’il est inutile de se battre contre le temps. Ces craquelures sont la métaphore de ce qui reste, de ce qui nous survit.

Quelle est votre perception du monde du whisky ?

Derrière chaque bouteille, je vois aussi les savoir-faire mobilisés pour transformer la matière première et la sublimer. C’est comme l’art, en somme. Aussi pour la dimension mémorielle et historique. Lors d’un salon organisé à Taipei, j’ai eu la chance de goûter un Port Ellen, cette distillerie mythique fermée au siècle dernier*, et j’ai trouvé fascinant de penser que j’avais dans mon verre un témoignage du passé.

*Créée en 1820 sur l’île d’Islay, la distillerie Port Ellen a cessé de produire en 1984, mais a conservé sa malterie. Propriété de Diageo, la distillerie fait l’objet d’un projet de réouverture.

Crédits (de haut en bas) :

Singed Sierra,

Moira Obscura,

Arboreal Swamp I,

Moon Jar Serenade IV,

Wang Yung Chiu.

LA SCOTCH MALT WHISKY SOCIETY, INVITÉE DE LA GAMME ARTIST #13

Fondée en 1983 par un groupe d’amis sous l’impulsion de l’Écossais Philip “Pip” Hills, la Scotch Malt Whisky Society (SMWS) fête ses quarante ans en 2023. Un anniversaire que La Maison du Whisky a souhaité marquer en lui réservant une place de choix dans ce catalogue, en tant qu’invitée de la gamme Artist #13.

Club privé d’amateurs avertis, la SMWS a su rassembler, au fil des années, plus de 25 000 membres dans le monde autour de la culture et de la dégustation de spiritueux fins. Son siège historique, The Vaults, où se réunissent encore aujourd’hui ses sociétaires, est situé dans un bâtiment datant du XIIe siècle à Leith, dans le quartier portuaire d’Edimbourg : il attire de nombreux amateurs, curieux de découvrir dans une atmosphère inimitable et conviviale un whisky bar à la carte pléthorique.

Embouteilleur aussi réputé qu’atypique, la SMWS collectionne des whiskies du monde entier, mais aussi du rhum, du cognac etc., des singles casks au degré naturel qu’elle propose en exclusivité à ses membres. Ses embouteillages se caractérisent par un nom de code, composé du numéro d’identification de la distillerie suivi du numéro de fût et complété d’un nom attribué lors d’une dégustation à l’aveugle par le comité. Des titres souvent facétieux, comme en témoignent ceux des cinq versions de la collection Artist #13 SMWS.

Parfois truffés d’indices et de symboles, les noms attribués par la SMWS à ses embouteillages peuvent cibler sans trop de détours une distillerie, à l’instar de Stag Wine (vin de cerf) qui évoque immanquablement l’un des plus célèbres single malts des Highlands. Certains titres empruntent quant à eux à d’autres univers, tel Sweet Smoky Dreams Are Made Of This inspiré de Sweet Dreams (Are Made of This). Heureuse coïncidence, cette chanson, composée et interprétée par le duo britannique Eurythmics, était sur toutes les lèvres en 1983... année de la fondation de la SMWS.

D’autres titres sont plus hasardeux à déchiffrer : au dégustateur de trouver les clés d’interprétation de ces noms savoureux, à l’aide de la note décalée figurant sur la contre étiquette. Ou bien de se perdre en conjectures devant les illustrations minimalistes et abstraites de la série : les œuvres de l’artiste écossaise Claire Barclay se prêtent merveilleusement bien à la méditation.

Crédits

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Unearthing 1 - Claire Barclay

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Untitled - Claire Barclay