Si les distilleries ne jurent que par la qualité de leur eau, elles ne changeraient pour rien au monde la forme et la taille de leurs précieux alambics. Car l'alambic mais aussi "l'art de la distillation" forgent le caractère et la typicité du futur whisky.
L'ALAMBIC SOUS TOUTES SES FORMES
L'alambic employé pour la distillation des single malts écossais est de type pot still. Sorte de bouilloire surmontée d'un chapiteau, il nécessite d'être nettoyé après chaque utilisation. Sa forme varie selon les distilleries. L'onion shape et le boil ball à compartiment sphérique sont les plus répandus.
Citons également le classic pot still ou lantern still lantern still qui rappelle les anciens alambics clandestins, le pear shape avec sa forme inhabituelle de poire, le bell shape en forme de cloche, sans oublier le très rare Lomond still, encore utilisé par Scapa et The Dalmore, dont le chapiteau évoque la forme cylindrique d'un patent still, l'alambic à colonnes (procédé de distillation en continu utilisé pour l'élaboration des whiskies de grain).
Quelle que soit sa forme, le pot still en cuivre s'achève par un col de cygne lui-même relié à un condenseur. L'utilisation du cuivre dans la confection des alambics n'est pas le fruit du hasard. C'est un matériau malléable qui agit en tant que catalyseur et permet d'éliminer des substances sulfurées indésirables.
Traditionnellement chauffés au charbon, les alambics à chauffe directe sont équipés de bras rotatifs entraînant une chaîne de cuivre afin d'empêcher la bière de malt (wash) de coller au fond de l'alambic ou de brûler. Ce dispositif baptisé rummager est absent des alambics chauffés à la vapeur. Ces derniers, qui utilisent une méthode de chauffage indirect (interne à l'alambic), sont aujourd'hui les plus répandus.
LA DOUBLE DISTILLATION
En Ecosse, la distillation des single malts s'effectue généralement en deux temps. La bière, le wash, obtenue à l'issue de la fermentation, est tout d'abord acheminée vers un ou plusieurs alambics de grande taille baptisés wash stills.
Ces derniers sont équipés de hublots qui permettent de contrôler l'ébullition à l'intérieur de l'alambic. Les low wines (bas vins) obtenus après condensation des vapeurs d'alcool, titrent en moyenne 25% vol. Ils s'écoulent à travers le spirit safe, véritable coffre-fort à alcool, permettant au stillman, le distillateur, de mesurer avec précision sa densité.
La première distillation s'achève lorsque le liquide demeuré au fond du wash still ne titre pas plus de 1% vol.. Ce résidu appelé pot ale, qui peut représenter plus des deux tiers du wash initial, sert à l'alimentation du bétail.
Les low wines sont ensuite acheminés vers un alambic de plus petite taille, le spirit still, pour y subir une deuxième distillation. Le premier distillat obtenu est acheminé vers le coffre à alcool afin d'être analysé.
Riches en esters aromatiques en aldéhydes et en acides, les têtes de distillation (foreshots) titrent entre 72% et 80% vol. et se troublent par adjonction d'eau distillée. Impures, elles sont redistillées avec la charge suivante de low wines. Au fur et à mesure de la distillation le degré alcoolique diminue.
Lorsque le liquide ne se trouble plus, on est en présence du futur whisky, le middle cut ou cœur de chauffe, qui titre en moyenne entre 68% et 72% vol..
En dessous de 70% vol., les queues de distillations (feints), riches en sulfures et en composés aromatiques lourds et puissants, sont redistillées avec la charge suivante de low wines.
La distillation s'achève lorsque le liquide encore présent dans le spirit still titre moins de 1% vol.. Ce résidu, appelé spent lees, est traité avant rejet.
INFLUENCE DE L'ALAMBIC ET DE LA DISTILLATION SUR LE NEW SPIRIT
Le nombre de distillations, la taille, la forme des alambics, la vitesse de distillation, le procédé de chauffage mais aussi l'inclinaison du col de cygne sont autant de paramètres qui influent sur le caractère du whisky.
En Ecosse, la plupart des distilleries pratiquent une double distillation, cependant certaines distilleries des Lowlands ont adopté la triple distillation, procédé traditionnel en Irlande. Les single malts distillés trois fois se révèlent plus légers et marqués par d'élégantes notes florales et fruitées.
La distillerie Springbank à Campbeltown est un cas particulier puisqu'elle pratique une double distillation et demie, procédé complexe que peu de spécialistes peuvent expliquer aisément mais qui a son importance dans le caractère de ce single malt.
La taille de l'alambic influence également le caractère du single malt. L'alambic est chauffé jusqu'au point d'ébullition de l'alcool, plus bas que celui de l'eau.
Les vapeurs d'alcool les plus légères, très volatiles, s'élèvent facilement et passent à travers le col de cygne. Les plus lourdes retombent parfois au fond de l'alambic pour être redistillées. Ainsi, plus l'alambic est haut et plus le whisky sera léger, comme chez Glenmorangie, qui possède les plus hauts alambics d'Ecosse (5,13 m).
À l'inverse, un petit alambic favorisera l'élaboration d'un single malt plus corpulent et plus huileux, tel Macallan (the).
Les formes variées de l'alambic pot still ont aussi leur importance. Par exemple, le compartiment sphérique situé entre la base et le chapiteau du boil ball, permet aux vapeurs d'alcool les plus lourdes de redescendre afin d'être redistillées et donc de produire un whisky plus léger.
Par ailleurs, un alambic chauffé à très haute température accélère la vitesse de distillation mais nuit à la qualité. Une distillation lente forge la complexité du futur single malt.
L'inclinaison du col de cygne joue un rôle comparable à la taille de l'alambic. Un col peu incliné permet aux vapeurs les plus légères de se diriger vers le condenseur. Il existe deux types de condenseurs : les traditionnels serpentins (worms) et les plus modernes tube condensers en forme de U.
Certaines distilleries ont récemment choisi de revenir aux serpentins traditionnels, preuve que même à ce stade, le whisky peut modeler son caractère.
Une fois que l'alcool pénètre dans le spirit safe, l'attention du stillman est à son comble pour déterminer l'intervalle durant lequel il va recueillir le middle cut. Le goût et la typicité du futur whisky (new spirit) dépendent en grande partie de cet intervalle. Ainsi, plus le new spirit contient de têtes de distillation, plus sa force alcoolique est élevée et plus il est riche en esters aromatiques. De tels whiskies se révèlent généralement légers, marqués par des notes fruitées et florales prononcées.
À l'inverse, un new spirit chargé en queues de distillation est moins fort en degré et se révèle plus riche et d'une plus grande complexité aromatique. Cependant, une coupe trop tardive peut engendrer des défauts aromatiques majeurs et irréversibles (notes soufrées, légumineuses).
Tout est une question de dosage, de précision. La durée de vie d'un alambic pot still varie de vingt à trente ans. Compte tenu de l'importance et du caractère spécifique de chaque composant, certaines distilleries craignant de modifier le goût de leur whisky vont jusqu'à reproduire les imperfections (creux, bosses) de leurs alambics.
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