Que l’on attribue la naissance du whisky à l’Écosse ou à l’Irlande, ce pays est sans conteste un producteur historique incontournable du whisky, qui connut son âge d’or au XIXe siècle à la faveur de la révolution industrielle.
Et si, depuis le début du XXe siècle, le whisky écossais a pris l’ascendant sur le whiskey irlandais, c’est en quelque sorte une ironie du sort puisque c’est grâce à une invention irlandaise, l’alambic à colonne d’Aenas Coffey, que l’Écosse a considérablement pu augmenter sa production.
Dans cet article, nous reviendrons sur l’histoire du whiskey irlandais, avant d’explorer ses particularités et ses principales distilleries.
À l’origine du whiskey irlandais
Selon la légende, l'histoire du whiskey irlandais remonte à 432, lorsque les missionnaires irlandais, dirigés par Saint Patrick, rapportèrent de leurs périples au Moyen-Orient la technique de distillation, grâce à laquelle fut rendue possible la production de l'uisge beatha, terme celte désignant l'eau-de-vie.
Néanmoins, ce n’est pas avant le XVe siècle que les sources mentionnent explicitement la production d'une boisson distillée à partir de céréales telles que l'orge, le blé ou l'avoine.
Jusqu’alors, il est communément admis que l'uisge beatha, initialement destinée à un usage thérapeutique, s'apparentait davantage à une liqueur aromatisée aux herbes et au miel qu’à du whisky.
Quelle différence entre “whiskey” et “whisky” ?
L'usage de l'orthographe "whiskey" avec un "e" pour désigner le whiskey irlandais remonte à plusieurs siècles.
Cette distinction entre le whiskey irlandais et le whisky écossais (ou d'autres pays) n'est pas le résultat d'une loi ou d'un règlement spécifique, mais s’est mis en place durant le XIXe siècle, période durant laquelle l'industrie du whisky a connu une expansion significative tant en Écosse qu'en Irlande.
À cette époque, les producteurs irlandais ont commencé à utiliser l'orthographe "whiskey" avec un "e" pour souligner la qualité supérieure de leur produit par rapport à leurs concurrents écossais, du moins selon leur perspective.
Cette pratique a d’ailleurs été adoptée par les producteurs de whiskey américains, en grande partie influencés par l'immigration irlandaise, contribuant ainsi à la popularisation de l'orthographe "whiskey" aux États-Unis.
De la gloire au renouveau en passant par le déclin du whiskey irlandais
Un passé glorieux du whiskey irlandais
Au début du XIXe siècle, on recensait en Irlande environ quarante distilleries sous licence, contre 88 au milieu du XIXe siècle, avec une production dépassant les 100 millions de litres de whisky.
En 1823, le parlement britannique adopte une loi destinée à encourager les distilleries équipées d'alambics d'une capacité de plus de cent soixante litres, pour pallier au nombre grandissant de distilleries clandestines.
La production de whisky se transforme alors en une industrie à part entière, dominée par deux entreprises dublinoises : John Jameson & Son et John Power & Son.
Ces sociétés familiales bénéficient des avancées de la révolution industrielle, en particulier les progrès en matière de transport maritime et ferroviaire ainsi que des innovations dans les méthodes de communication, pour étendre leur commerce à l'international.
Grâce à cette stratégie, le whiskey irlandais jouit d'une grande popularité au sein de l'Empire britannique et aux États-Unis pendant la première moitié du XIXe siècle. Avec plus de cent soixante distilleries légales établies à travers le pays, l'avenir du whiskey irlandais semblait prometteur.
Entre 1823 et 1900, la production de whisky a même quadruplé. Le whiskey irlandais, avec plus de 12 millions de caisses vendues et distribuées dans une centaine de pays, était l'alcool le plus consommé à l'échelle mondiale.
Le déclin du whiskey irlandais
Après plus d'un siècle de croissance continue, jusqu'au début du XXe siècle, le whiskey irlandais a été confronté à une série d'événements historiques qui ont nui à sa popularité et à son développement.
En 1916, le soulèvement de Pâques contre les Britanniques marque un tournant dans les aspirations à l'indépendance de l'Irlande, en plein conflit mondial.
L'orge devient une ressource prioritaire pour l'effort de guerre, et les distilleries arrêtent leur production faute de matières premières.
Deux ans plus tard, la prohibition adoptée aux États-Unis aggrave encore la situation des producteurs de whiskey en Irlande, alors principal pays exportateur vers l'Amérique.
En conséquence, des substituts locaux étaient vendus en tant qu’Irish Whiskey. Cette contrefaçon a gravement nuit à la popularité du whiskey irlandais, car même après la fin de la Prohibition en 1933, les consommateurs ont continué à s'en détourner.
En 1930, huit ans après la guerre d'indépendance de l'Irlande contre l'Angleterre, les tensions entre les deux pays demeuraient vives, se manifestant notamment par l'instauration de diverses restrictions commerciales.
Ces taxes ont conduit à la perte, une fois de plus, de l'un des plus importants marchés du whiskey irlandais.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’Irish Whiskey cède sa place au Scotch Whisky dans le cœur des Européens.
En 1953, on ne compte finalement plus que six distilleries sur le territoire irlandais, répondant principalement à une demande locale.
Irish Distillers et la renaissance du whiskey irlandais
En 1966, les distilleries Jameson, Powers et Cork Distillers Company s'unissent pour créer Irish Distillers Limited et procèdent à l'acquisition des distilleries restantes telles que Bushmills et Midleton.
En 1988, le groupe Pernod Ricard achète Irish Distillers Limited, propulsant à nouveau le whiskey irlandais sur le devant de la scène. Il dote sa nouvelle filiale irlandaise de moyens significatifs pour se redresser et reconquérir le marché.
Au même moment, Cooley, la première distillerie indépendante à voir le jour dans le pays depuis plus d'un siècle, ouvre ses portes. Cette ouverture encourage d’autres distilleries comme Dingle en 2012 ou encore Tullamore Dew en 2014.
De nos jours, la production de whiskey irlandais connaît un renouveau impressionnant. L'industrie du whiskey irlandais génère plus de 1,5 milliard d'euros en exportations et a produit plus de 130 millions de bouteilles en 2020.
Qu’est ce qui différencie le whiskey irlandais des autres whiskies
L’Irlande, berceau de la triple distillation
Berceau de la triple distillation, l’Irlande est connue pour ses whiskeys de style léger et fruité. Le pays possède en effet la plus grande concentration de distilleries recourant à ce procédé, de Tullamore Dew à Midleton.
Même s’il existe d’autres distilleries qui utilisent aussi la triple distillation en Écosse ou aux États-Unis, cela reste toutefois très rare.
Comparée à la double distillation, la triple distillation implique un allongement du calendrier de production et un renchérissement des coûts, mais elle est à l'origine de distillats raffinés qui ont défini le style irlandais.
Le Single Pot Still : une tradition irlandaise
Élaboré à l'origine à partir d'un mélange de céréales et distillé en alambic pot still, le single pot still est le plus traditionnel des Irish whiskeys.
Un single pot still résulte de la distillation d’orge maltée et non maltée parfois complétés d’une troisième céréale (avoine, blé, seigle…). La proportion d’orge maltée et non maltée, variable, se situe généralement autour de 40% à 50%. Une tradition qui a pour origine un impôt créé en 1785, frappant l’orge maltée et qui a incité les distillateurs d’utiliser des céréales non maltées pour s’y soustraire.
Par exemple, Midleton continue de perpétuer cette tradition tandis que Bushmills a opté, à la fin du XIXe siècle, pour l'élaboration de single malts.
3 distilleries phares du whiskey irlandais
Au Nord : Bushmills
Situé non loin de la rivière Bush dans le comté d'Antrim, Bushmills est le nom d’un petit village en Irlande du Nord. La distillerie du même nom est une des toutes premières au monde à avoir obtenu un licence, en 1784 (même si la région s’était vue octroyer une autorisation de distiller dès 1608).
C’est la plus ancienne distillerie de whiskey irlandaise, encore en activité.
Dès 1890, elle participe activement à l'exportation de son whiskey irlandais partout dans le monde, grâce à son bateau, le “S.S. Bushmills”, qui fit une traversée inaugurale jusqu'aux États-Unis, puis en Chine, pour finir par le Japon.
En 1972, Bushmills est rachetée par Irish Distillers Limited. Il ne restait alors plus que deux sites de production en activité : Bushmills au Nord et Midleton au Sud.
Aujourd’hui, Bushmills se situe troisième au classement des whiskeys irlandais les plus vendus au monde, derrière Jameson et Tullamore D.E.W, mais occupe la deuxième place en termes de capacité de production (soit 4,5 millions de litres d’alcool par an). Seule la distillerie Midleton affiche une capacité de production supérieure.
La distillerie produit des single malts représentant parfaitement le style irlandaism fruité et exubérant, développant avec l'âge des notes de fruits tropicaux comme l’ananas ou la mangue. Bushmills produit aussi des blends, en assemblant ses single malts à des whiskeys de grain provenant d’une autre distillerie.
Au Sud : Midleton
Midleton est l'une des distilleries les plus technologiquement avancées au monde. Située dans le comté de Cork, au sud de l'Irlande, la distillerie a joué un rôle déterminant dans l'essor du whiskey irlandais dans le monde.
Créée au 1825 par les frères Murphy, la distillerie Midleton s'est rapidement fait connaître, notamment grâce aux talents d'entrepreneurs des deux frères. La distillerie a grandement participé à la structuration du groupe Irish Distillers, qui en a fait son principal site de production en 1975.
Très vite, la distillerie est devenue un incontournable du whiskey irlandais, avec sa capacité de production de plus de 50 millions de litres d'alcool pur par an.
Midleton n'est pas seulement un mastodonte de production mais aussi un laboratoire du whiskey irlandais. Plus de 15 références sont produites au sein de cette distillerie. On y retrouve par exemple le whiskey Redbreast, le whiskey Jameson, Power’s ou encore le whiskey Midleton.
Aujourd'hui, la distillerie est aussi un lieu de loisir, puisque l’ancienne distillerie est ouverte au grand public, qui peut d'ailleurs découvrir l'immensité du site mais aussi de ses alambics (aujourd'hui silencieux) dont le plus gros pouvait produire jusqu'à 144 000 litres d'alcool pur par an.
Midleton produit aussi bien des Single Pot Still triple distillés en alambic à repasse, que des whiskeys de grain dans de grandes colonnes de distillation qui constituent la base des blends légers et fruités comme Jameson ou Power’s.
Plus ronds et huileux du fait de l’inclusion d’orge non-maltée, les whiskey single pot still, comme Redbreast par exemple, font souvent preuve d’une plus grande complexité, grâce aussi en partie à un élevage partiellement en fûts de sherry.
À l’Est : Waterford
Waterford est une distillerie relativement récente dans le monde du whisky, mais elle a rapidement gagné en notoriété grâce à son approche unique et innovante de la production de whisky.
Fondée en 2015 par Mark Reynier, précédemment impliqué dans la renaissance de la distillerie Bruichladdich sur l'île d'Islay en Écosse, Waterford a été établie avec l'ambition de produire des whiskies d'exception en se concentrant sur le terroir.
La distillerie a été mise en service en 2015 avec pour objectif de créer le whisky single malt le plus fin en exploitant la diversité des sols irlandais.
Pour ce faire, la distillerie irlandaise s'est approvisionnée en orge auprès de plus de 70 fermes irlandaises, chacune offrant des caractéristiques uniques dues à leur terroir spécifique, allant de différents types de sols à des microclimats variés.
La distillerie a adopté une approche scientifique pour tracer et analyser l'influence du terroir sur le whisky : chaque lot d'orge est fermenté, distillé et vieilli séparément, permettant à la distillerie de créer une bibliothèque de spiritueux exprimant une gamme étendue de profils aromatiques.
Le lancement de ses premières bouteilles en 2020 a été très bien accueilli, suscitant l'intérêt au sein de la communauté du whisky sur l'importance du terroir.
Produits à partir d'une fermentation prolongée, distillés avec soin et maturés dans une variété de fûts de chêne choisis pour leur excellence et leurs caractéristiques uniques, chaque édition limitée est le reflet d'un Single Farm.
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