« Fumé », « iodé », « tourbé »… Le whisky tourbé occupe une position unique dans le vaste univers du whisky et de ses nombreuses variantes. Apprécié pour son caractère distinctif, il est célèbre pour ses arômes de fumée, ses nuances maritimes, ses touches végétales, médicinales, voire de camphre.
Cette variété de whisky forme une catégorie à part entière, attirant un public dévoué qui, dans certains cas, lui est exclusivement fidèle.
Mais quelles sont les origines de ses traits distinctifs ?
Dans cet article, nous allons détailler ce qui donne au whisky ce goût particulièrement fumé.
Qu’est-ce que la tourbe ?
La tourbe est un combustible naturel issu de la très lente décomposition de végétaux (une tourbière gagne en moyenne 1 millimètre par an).
Dans les Lowlands ou le Speyside, la tourbe, peu compacte, est riche en végétaux tels que la bruyère, les fougères, racines, pins, etc. Sur la côte ou sur les îles comme Islay ou Arran, la tourbe est plus dense en éléments marins comme les algues, le sel, ou le sable.
Même si elle reste minoritaire dans l'élaboration du whisky à l’échelle mondiale, dans certaines régions d’Écosse, la tourbe joue un rôle crucial dans le processus de maltage de l’orge.
Après la germination, l’orge maltée est séchée dans un four, ou un kiln, un plancher métallique perforé placé au-dessus d’une cheminée, où la combustion de la tourbe produit une fumée dense et aromatique qui donnera ses arômes au whisky.
Dans le nord et l'ouest de l'Ecosse, de vastes étendues de tourbe se sont ainsi accumulées sur plusieurs mètres de profondeur. Sur l'île d'Islay, certaines tourbières datent de plus de 10 000 ans.
D’ailleurs, la récolte de la tourbe, au même titre que celle de l’orge, constituait jusqu’à la fin des années 1950 un moment très important dans l’activité annuelle d’une distillerie.
Dès la fin du printemps et tout au long de l’été, lorsque le climat trop doux ne permettait plus de distiller, les employés récoltaient la tourbe dans les tourbières. Cette tâche, désormais désuète, est encore pratiquée dans les Orcades et sur l’île d'Islay.
La tourbe dans l’élaboration du whisky
Dans l’élaboration d’un whisky tourbé, le séchage de l’orge, étape finale du maltage est primordial et donne aux whiskies ses fameuses notes fumées.
Traditionnellement, cette opération se déroulait dans un kiln conservé par certaines distilleries comme élément de décoration. Les kilns abritaient sous leur toit en forme de pagode des foyers alimentés au charbon et à la tourbe sur lesquels séchait le malt.
Lorsque le malt est encore humide, il absorbe particulièrement les phénols présents dans la fumée, responsables du goût tourbé.
C’est ensuite la durée d’exposition aux phénols qui déterminera la puissance du goût tourbé dans le malt, et donc dans le whisky.
L'avènement du maltage mécanique a introduit l'utilisation de nouveaux combustibles, tels que le gaz naturel et le fioul, améliorant ainsi le contrôle des températures de séchage et la préservation des enzymes essentielles du malt.
Un processus méticuleux
En fonction du taux d'humidité du malt, le séchage peut durer entre 25 et une quarantaine d'heures, et c'est au cours des premières heures de cette opération que la tourbe est utilisée.
En raison de son très fort taux d'humidité, pouvant varier de 25% à 60%, la tourbe, en se consumant dans le kiln, ne produit que très peu de chaleur mais génère des fumées épaisses et grasses qui permettent de sécher en partie le malt, mais surtout de donner à ce dernier des arômes spécifiques de fumée, mais aussi de terre, de goudron, de végétaux ou d’iode par exemple.
Il est crucial que la température ne s'élève pas au-delà de 50°C pour ne pas endommager les enzymes du malt.
Après avoir réduit le taux d'humidité du grain de 45% à 25%, un changement de combustible est effectué pour finaliser le séchage de l'orge.
Le malt séché, présentant une humidité résiduelle de 4% à 6%, est alors entreposé dans des silos. Pour quantifier le contenu phénolique du malt, on utilise l'unité de mesure ppm (partie par million).
Différents “niveaux” de whisky tourbé
Lorsqu’on parle d’un whisky légèrement tourbé ou très tourbé, on se réfère généralement à un seuil pour chacune de ces qualifications.
Les whiskies légèrement tourbés utilisent du malt avec généralement 2 ou 3 ppm de phénols, alors que les plus tourbés font souvent appel à du malt tourbé jusqu’à 50 ppm de phénols. Le record atteint étant de 307 ppm de phénols par un embouteillage Octomore de la distillerie Bruichladdich sur Islay.
Toutefois, il est important de noter que l’influence de la tourbe sur les arômes du whisky diminue au fur et à mesure du processus de maturation.
Après 10 ans en fût, le whisky perd environ la moitié de son niveau de tourbe.
Concrètement, un malt à 50 ppm de phénols, descend à environ 25 ppm de phénols après 10 ans de vieillissement en fût.
Parler du niveau de tourbe peut donc s’avérer trompeur puisque c'est uniquement après l'étape de maltage que ce niveau est mesuré.
Le taux de ppm mesuré dans le distillat, puis dans le whisky maturé, sera beaucoup plus bas.
Quel parfum donne la tourbe au whisky ?
La combustion de la tourbe donne naissance aux phénols, en particulier les crésols et les xylénols (des composés organiques qui appartiennent à la famille des phénols).
L'intensité des arômes véhiculés par la fumée de tourbe dépend de la quantité de tourbe utilisée pour sécher le malt et de la température de brûlage. Les arômes les plus distinctifs sont ceux de réglisse, de feu de cheminée, de cendre, mais aussi de clou de girofle, de camphre et d'eucalyptus.
À l'extrême, les whiskies tourbés développent des arômes de poisson fumé, d’huîtres, voire même de caoutchouc brûlé.
Aujourd'hui l'orge maltée tourbée employée par les sept distilleries de l'île d'Islay provient essentiellement de la malterie de Port Ellen.
Environ 2 000 tonnes de tourbe sont utilisées chaque année pour produire le malt entrant dans l'élaboration de leurs single malts.
Notre sélection des meilleurs whiskies tourbés
La distillerie Kilchoman
KILCHOMAN Machir Bay
59.9 €
Kilchoman Machir Bay
Machir Bay, au-delà d'être une expression emblématique de Kilchoman, tire son nom d'une plage située à proximité immédiate de la distillerie sur l'île d'Islay.
Ce single malt résulte d'un assemblage soigneux de whiskies qui ont maturé à 90% dans des fûts de bourbon de premier remplissage et à 10% dans des fûts de sherry oloroso. Il présente un profil frais et herbacé, avec des notes d’agrumes et, bien entendu, des puissants arômes tourbés sur la fumée et les cendres.
Le malt tourbé à 50 ppm de phénols utilisé pour cet embouteillage provient de la malterie de Port Ellen, mais Kilchoman produit également en quantités limitées une version 100% Islay qui fait appel à l’orge locale maltée et tourbée à l’ancienne par la distillerie elle-même !
La distillerie Lagavulin
LAGAVULIN 16 ans
109.9 €
Lagavulin 16 ans
Ce whisky single malt, originaire de la renommée île d'Islay, se distingue par sa forte teneur en tourbe et son caractère iodé, et fait partie de l'illustre collection des Classic Malts.
Élevé en barriques de Bourbon, ce malt essentiel capture l'essence même de sa distillerie. Il se révèle doux et fumé, enrichi de nuances d'algues et de fruits secs.
La distillerie Caol Ila
Caol Ila 8 Ans 2015 Oloroso Sherry Cask Signatory Vintage
Ce millésime de Caol Ila, distillé en 2015 et élevé pendant 8 ans, est mis en bouteille à 57,1% d'alcool. Il offre un bouquet riche et fumé, avec b de fruits secs et de chocolat. La rencontre entre la tourbe et le vieillissement en fût de sherry a donné naissance à certains des whiskies les plus mythiques.
La nouvelle collection 100 Proof fait écho à l'ancienne mesure britannique de la teneur en alcool, équivalant au "Navy Strength" de 57,1%.
Cette collection valorise la diversité des distilleries, révélant une expression puissante tout en préservant une complexité aromatique typique de l'expertise de Signatory Vintage dans l'art du vieillissement.
Cette gamme invite à approfondir l'expérience de dégustation et à redécouvrir l'excellence de l'élevage par cet embouteilleur indépendant.
La distillerie Laphroaig
Laphroaig 16 ans 2005 Antipodes
Un incontournable pour les aficionados de whiskies tourbés et marqués par l'iode, ce grand classique issu de l'île d'Islay se distingue immédiatement.
Sa robe, d'un or ancien parsemé de reflets verdoyants, précède un bouquet généreux où dominent une tourbe aux accents médicinaux, iodés et sauvages.
Un caractère très particulier qui fait le bonheur des amoureux de cette distillerie mythique !
F.A.Q
C’est quoi le PPM ?
Le PPM, ou "parts par million", est une mesure utilisée pour quantifier la teneur en phénols du malt d'orge utilisé dans la production d’un whisky tourbé.
Les phénols sont des composés chimiques qui contribuent au goût tourbé d'un whisky. Le niveau de ppm de phénols indique donc la quantité de ces composés phénoliques présents dans le malt, influençant son profil aromatique tourbé.
Un ppm élevé (30 ppm de phénols et plus) signifie un whisky très tourbé et fumé, tandis qu'un faible ppm (3 ppm de phénols et moins) indique un profil plus subtil.
Comment reconnaît-on le goût tourbé dans un whisky ?
Le goût tourbé d'un whisky peut être identifié par sa signature aromatique unique, souvent décrite comme fumée, terreuse, ou évoquant des notes de goudron, de végétaux ou d'iode ou du sel, etc.
Ces arômes proviennent des composés phénoliques absorbés par l'orge pendant le séchage au-dessus du feu de tourbe.
Pour reconnaître le goût tourbé, il faut être attentif à ces nuances fumées et à la richesse des saveurs secondaires qui peuvent varier selon le type de tourbe utilisée et la région d’où provient le whisky.
Avec quels aliments se marie le whisky tourbé ?
En général, le whisky tourbé se marie avec des aliments ayant des goûts tout aussi forts et prononcés :
- Les viandes fumées et grillées
- Les fruits de mer
- Les fromages forts
- Le chocolat noir
Pour aller plus loin dans la découverte des whiskies tourbés
La Maison du Whisky possède trois boutiques dans Paris :
Dans chacune de ces boutiques vous pourrez découvrir une vaste gamme de whiskies, rhums, sakés et autres spiritueux. La boutique rue d’Anjou propose d’ailleurs une salle entièrement dédiée aux whiskies d’Islay.
Parce qu’un whisky peut se décrire en mille mots, nos conseillers se feront un plaisir de vous faire découvrir les whiskies tourbés incontournables de La Maison du Whisky.
Suivez notre agenda de dégustation pour les dégustations à venir, ou rendez-vous au Golden Promise Whisky Bar qui propose un large choix de whiskies et autres spiritueux au verre.