LE GUIDE DE L'ABSINTHE

origine et elaboration de l'absinthe

ORIGINE

Vénérée du monde artistique qui l’érigea au rang de muse (la « fée verte »), l’absinthe devint également pour le grand public une sorte de rendez-vous quotidien informel : il était courant de se retrouver dans les bars et bistrots au moment de « l’heure verte ».

L’ABSINTHE, VICTIME DE SON SUCCÈS

C’est au 19ème siècle que l’absinthe a connu son heure de gloire. Encensée et érigée au rang de « muse verte » par le monde artistique, sa consommation s’est propagée rapidement au sein des couches sociales populaires, donnant naissance à un rendez-vous quotidien informel dans les bars et bistrots, baptisé « l’heure verte ». A l’instar de nombreuses autres villes européennes, Paris fut le théâtre de tous les excès, mais également le berceau d’un nouveau mode de vie marginal, entretenu par une communauté d’artistes qui donna naissance à un courant culturel baptisé « bohémien ». Décriée par ses détracteurs et les mouvements prohibitionnistes, l’absinthe fut condamnée dans de nombreux pays, dont la France en 1915. En réalité, le lobby de plusieurs vignerons, qui souffraient alors d’une terrible crise phylloxérique, éradiqua la fée verte à coups de matraquage publicitaire pour prouver sa nocivité. Il fallut attendre 1988 pour que, sous l’égide de l’Union Européenne, la consommation de l’absinthe redevienne à nouveau légale, sous couvert du contrôle de son niveau de thuyone, la molécule à l’origine de sa controverse.

LA THUYONE, LA MOLÉCULE QUI REND FOU ?

La thuyone est une molécule présente dans l'absinthe. Appréciée pour ses propriétés digestives et son arôme de menthol, elle est cependant convulsivante et peut provoquer des sensations de désinhibition voire, à fortes doses, des hallucinations. Le risque de provoquer des convulsions est cependant faible : il faudrait une concentration plus de 1 000 fois supérieure à celle présente dans l’absinthe. Quant aux effets hallucinogènes de l’absinthe, il semblerait qu’ils résident dans la combinaison de différentes molécules issues des différentes herbes utilisées : la fenchone pour le fenouil, l’anéthole pour l’anis et le pinocamphonethe pour l’hysope. En l’état actuel des recherches, le taux de thuyone présent dans les absinthes élaborées de façon traditionnelle apparaît inférieur à 10 mg/litre. La distillation ne permettrait pas à cette molécule de passer à travers les vapeurs d’alcool. Seules les absinthes élaborées à partir d’un mélange d’huiles essentielles de grande absinthe et d’alcool pourraient contenir une concentration dangereuse de thuyone.

LE RETOUR EN GRÂCE DE LA « FÉE VERTE »

En 1988, l’Union Européenne fait un premier pas en faveur d’un assouplissement de la loi concernant la prohibition de la consommation d’absinthe. En définissant le niveau maximum de thuyone autorisé dans la composition de l’absinthe, l’UE légalise de fait sa consommation en Europe. La même année, afin de se conformer aux règlements européens, un décret est pris en France : seuls sont interdits sur le territoire les alcools portant le nom d’absinthe et renfermant un taux de thuyone supérieur à celui fixé par l’UE. Une manière détournée de réintroduire l’absinthe en France, sous le nom de « boisson spiritueuse aux plantes d’absinthe ». Le véritable renouveau de l’absinthe à cette époque s’effectue dans les pays qui n’ont jamais interdit son commerce : en Angleterre surtout, mais aussi en République Tchèque devenue depuis la chute du bloc communiste une destination touristique très prisée des artistes et du public en général. En se rendant à Prague, les touristes découvrent en même temps l’absinthe, mais une absinthe d’origine tchèque. Sous l’impulsion d’importateurs britanniques, la distillerie tchèque Hill’s introduit à cette époque en Grande Bretagne sa « Bohemian Style Absinthe », une absinthe de style moderne qui lance la tendance.

DÉFINITION

L'absinthe est une liqueur alcoolique forte obtenue à partir d'un mélange d'alcool et d'herbes distillées ou d'extraits d'herbes, en premier lieu la grande absinthe et l'anis vert, mais le plus souvent aussi trois autres herbes aromatiques: l'absinthe romaine ou petite absinthe, le fenouil doux et l'hysope.

L’ABSINTHE, ÉTAPE PAR ÉTAPE

Il existe différents modes de production de l’absinthe : Les absinthes dites modernes ou industrielles privilégient l’assemblage d’alcool, d’arômes naturels ou synthétiques d’absinthe et de colorant. Ces absinthes existaient déjà avant 1915 ; Les absinthes traditionnelles nécessitent une étape de macération, puis de distillation.

Etape 1 – La base

Les plantes : L’absinthe est produite à partir de plantes dont trois qui, une fois réunies, composent « la sainte trinité » : l’anis vert, le fenouil et la grande absinthe. D’autres herbes peuvent compléter ce trio : l’hysope, la mélisse, l’anis étoilé, la petite absinthe, la racine d’angélique et des épices telles que la coriandre, la véronique, le genièvre et la noix de muscade. De la qualité de ces herbes, liée à la fois au terroir, au climat, aux techniques de culture et de récolte, dépendra la qualité du produit fini. L’alcool : La base d’alcool peut être une eau-de-vie de betterave ou de raisin. En France, les absinthes de qualité sont élaborées à partir d’une eau-de-vie de vin.

Etape 2 – Les modes d’élaboration

Par distillation : Les absinthes traditionnelles sont issues de la macération, puis de la distillation, des herbes et aromates entrant dans leur composition. L’étape de macération est réalisée au sein d’une cuve où l’alcool (à 85%) et un mélange de plantes sont entreposés pendant plusieurs jours. Au terme de cette étape, le liquide est filtré, puis réduit avec de l’eau, avant d’être placé dans la chaudière de l’alambic pour distillation. La distillation implique que têtes et queues soient écartées, et que seul le cœur de chauffe soit conservé. Par mélange : Comme pour la production de certains gins, cette méthode produit des qualités d’absinthes bien inférieures à celles obtenues selon le procédé traditionnel de distillation. Il s’agit d’assembler de l’alcool avec des arômes d’absinthes.

Etape 3 – Assemblage, vieillissement, filtration et mise en bouteille

Au terme de la distillation, le nouveau distillat titre environ 75%. Il peut être embouteillé une fois réduit avec de l’eau (absinthe blanche ou bleue) ou mis à vieillir dans des foudres.

La coloration : Le recours à la coloration, naturelle ou artificielle, est fréquent dans la production d’absinthes. Dans le cadre d’une coloration naturelle, une ultime phase de macération est opérée après la distillation. Les absinthes traditionnelles tirent leur couleur de la chlorophylle présente dans différentes herbes que sont l’hysope, la mélisse ou la petite absinthe. Durant cette phase de macération, l’alcool prend une légère couleur verte et gagne en complexité aromatique. On parle alors d’absinthe verte. La couleur rouge peut de son côté être obtenue par l’emploi de fleurs d’hibiscus.

La mise en bouteille : Les absinthes artificiellement colorées sont très stables. Elles ne nécessitent aucune attention particulière. Seules les absinthes colorées naturellement doivent faire l’objet d’une vigilance spécifique : la chlorophylle qu’elles contiennent est en effet très fragile. Exposées à la lumière, elles changent graduellement de couleur pour passer du vert au jaune, jusqu’à l’ambré. Ainsi, les anciennes bouteilles d’absinthe peuvent présenter une couleur différente. Garante de leur vieillissement, cette altération est cependant mal perçue pour les absinthes modernes. Pour cette raison, les absinthes naturelles sont désormais vendues dans des bouteilles opaques.

Etape 3 – Le chêne & le chai

Traditionnellement, le mezcal est mis à reposer dans des jarres en céramique. Mais de plus en plus, les cuves en inox tendent à les remplacer. L’introduction des fûts est relativement récente (1950) et il s’agit pour la plupart d’ex-fûts de bourbon. Les fûts de xérès sont utilisés pour des cuvées spéciales.

Les principales catégories d'absinthes

Le renouveau de l’absinthe a complètement mis à mal les catégories historiques, désormais obsolètes. Cinq types d’absinthes étaient communément évoqués dans le passé : ordinaire, demi-fine, fine, supérieur et suisse (sans aucun lien avec l’origine). Ces catégories différaient selon le degré alcoolique et la qualité de l’absinthe. Les absinthes supérieures et suisses, issues d’une distillation, offraient une meilleure qualité et une couleur naturelle. Les ordinaires et demi-fines pouvaient résulter d’une coloration artificielle, avec un assemblage d’alcool neutre et d’essences naturelles. Aujourd’hui, on distingue les absinthes « mixed » (les modernes) des absinthes « distilled » (les traditionnelles). Les mixed

Absinthes résultant du mélange de l’essence d’absinthe avec un alcool neutre. Les distilled

• BLANCHE / BLEUE : absinthes incolores issues d’une distillation et mises en bouteille à fort degré. Le terme « bleue » fait référence aux absinthes suisses.

• VERTE : absinthe blanche qui, par une ultime macération dans un mélange d’herbes, acquiert de façon naturelle sa couleur et un goût plus complexe. Une « verte » peut également résulter d’une coloration artificielle, auquel cas son goût n’en sera pas affecté.



LE CÉRÉMONIAL DE L’ABSINTHE

La consommation d’absinthe obéit à un rituel bien huilé qui entretient cette fascination pour la fée verte : l’absinthe pure est versée à travers une cuillère plate perforée appelée « cuillère à absinthe » surmontée d’un morceau de sucre. Ce dernier est arrosé très délicatement d’eau glacée jusqu’à sa dissolution complète. Le rôle du sucre consiste à atténuer l’amertume naturelle inhérente à toute absinthe traditionnelle, en raison de la présence d’absinthine dans le nectar vert. Pour une dose d’absinthe à 68%, il faut prévoir trois à quatre doses d’eau. L’absinthe peut se consommer de mille autres façons : avec ou sans sucre, du sirop de gomme ou d’orgeat, du vin blanc (pour remplacer l’eau), de l’anis…