Whisky japonais

Pour de nombreux amateurs de single malts et de blends écossais, le whisky japonais est longtemps passé pour une aberration ou, au mieux, une simple curiosité. Élaboré sur le modèle du whisky écossais, il n’est pourtant pas une pâle copie du scotch ni un simple ersatz indigne de l’appellation « whisky », comme le savent désormais les nombreux amateurs qui plébiscitent ses saveurs. Le whisky japonais a su emprunter à son lointain cousin écossais le meilleur de son procédé d’élaboration, tout en poussant l’exigence de qualité à son paroxysme, au point de rafler régulièrement de prestigieuses récompenses dans les concours internationaux, au grand dam des Écossais. Il est pratiquement impossible de désigner le « meilleur » whisky japonais, tant chacun étonne par sa justesse et sa précision en bouche.

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    De curiosité « tendance » il y a encore quelques années, le whisky japonais s’est imposé comme une référence incontournable dans le monde des spiritueux et du whisky en particulier. Le phénomène, s’appuyant sur une forte identité, mais aussi une excellente qualité, a conduit à l’émergence de nombreuses distilleries et marques japonaises à côté des historiques groupes Suntory et Nikka. Parmi ces nouveaux venus, Chichibu est certainement la plus célèbre et reconnue.



    Le whisky japonais, né… en Écosse !


    Si le Japon s’est aujourd’hui imposé comme l’un des principaux acteurs mondiaux du whisky, c’est en Écosse que son histoire débute, avec Masataka Taketsuru. Ce Japonais, fils de producteur de saké, étudiant en chimie, part terminer sa formation en Écosse pour se spécialiser en chimie organique.

    Durant ses études, il en profite pour travailler dans plusieurs distilleries. En 1923, il s’associe à Shinjirō Torii pour fonder la première distillerie du Japon : Yamazaki, dont naîtra le groupe Suntory. Une dizaine d’années plus tard, Taketsuru prend son indépendance et fonde la distillerie Yoichi sur l’île d’Hokkaido, recherchant les conditions climatiques les plus proches possibles de l’Écosse.



    Un whisky « à l’écossaise », mais pas seulement


    Si le whisky japonais reprend les règles de fabrication canoniques de son aïeul écossais, il s’est cependant créé sa propre identité. Il profite alors des ressources d’un pays riche en eaux pures et en tourbières. À cela s’ajoute un climat spécifique, avec des étés chauds et des hivers froids propices au vieillissement du distillat.

    Le whisky japonais s’est distingué, principalement par ces blends, devenus iconiques (Nikka from the barrel, Nikka Super, Hibiki…). Ainsi, les groupes Nikka comme Suntory ont rapidement vu l’intérêt de développer leur production de whisky de grain à destination des blends, avec la distillerie Chita pour Suntory et un alambic de type coffey still (un alambic à colonnes distillant en continu) chez Nikka. C’est par l’art minutieux de l’assemblage que les Japonais ont d’abord brillé. La précision de leurs accords, leur équilibre et précision tout en douceur ont fait leur réputation.

    À partir des années 2000, les pure malts (ou single malts) se sont développés et les Japonais ont commencé à mettre en avant leurs distilleries de malt. Nikka ira même jusqu’à produire un whisky de malt en coffey still (le Nikka coffey malt), normalement destiné au grain, créant un style à part et inédit.



    UNE PÉRIODE DE PÉNURIE DANS L’HISTOIRE DU WHISKY JAPONAIS

    C’est dans les années 80 que le secteur du whisky japonais a traversé une période économiquement difficile qui a conduit à la fermeture de plusieurs distilleries.

    Cette période a été marquée par une baisse de la demande en raison de l'évolution des préférences des consommateurs, qui se sont tournés vers d'autres types de boissons alcoolisées, comme le shōchū et les spiritueux importés.

    Parmi les distilleries qui ont dû cesser leurs activités, on trouve notamment certaines plus petites, qui n'ont pas pu s'adapter rapidement aux changements du marché. Parmi ces distilleries, on retrouve Hanyu, fondée par le grand-père d’Ichiro Akuto, fondateur de Chichibu, qui a fermé ses portes en 2001 pour être finalement entièrement détruite en 2004. Karuizawa, construite en 1955 et fermée en 2000, fait aussi partie de ces distillerie qui ont du interrompre leur production.

    Toutefois, il est important de noter que cette période de consolidation a également été une période de réflexion et de redéfinition pour l'industrie du whisky japonais. Des distilleries comme Suntory et Nikka ont survécu en se concentrant sur la qualité et en explorant de nouveaux marchés à l'exportation.

    Cette époque difficile a finalement servi de tremplin pour le renouveau du whisky japonais dans les années suivantes, avec un regain d'intérêt tant sur le marché intérieur qu'international, menant à la reconnaissance mondiale et à l'appréciation des whiskys japonais que nous connaissons aujourd'hui.



    Les distilleries majeures du whisky japonais


    Suntory - Yamazaki, Hakushu et Chita


    Fondée en 1923, Suntory est la plus ancienne maison de whisky japonais. La distillerie Yamazaki, sa première, a lancé la production de whisky au Japon. Son climat humide et ses sources d’eau souterraine donnent des single malts complexes et fins. Hakushu, créée en 1972, produit surtout du whisky de grain pour les blends de Suntory. Hibiki, lancée en 1989, est la gamme de blends haut de gamme. Chita, elle, se consacre aussi au whisky de grain, essentiel à la composition de nombreux blends.


    Nikka - Yoichi et Miyagikyo


    Nikka Whisky possède deux distilleries : Yoichi, sur l’île d’Hokkaido, et Miyagikyo, sur l’île principale. Yoichi, fondée en 1934 par Masataka Taketsuru, produit des whiskies tourbés et corsés, inspirés par le style écossais. Miyagikyo, créée en 1969, donne des whiskies plus doux et fruités grâce à une eau de source pure et un climat tempéré. Les blends de Nikka résultent souvent d’un assemblage de ces deux styles.


    Chichibu - Ichiro's Malt


    Fondée en 2008 par Ichiro Akuto, la distillerie Chichibu est jeune, mais s’est vite fait un nom grâce à des whiskies novateurs qui mêlent traditions et expérimentations.


    Mars Shinshu


    Située à 798 mètres d’altitude dans les Alpes japonaises, la distillerie Mars Shinshu appartient à Hombo Shuzo, actif dans les spiritueux depuis plus d’un siècle. Son climat frais et ses neiges saisonnières créent des conditions idéales pour la maturation du whisky.


    Hakushu


    Déjà mentionnée dans le groupe Suntory, Hakushu s’appuie sur l’eau des Alpes japonaises pour produire des single malts boisés. Yamazaki, pour sa part, est réputée pour ses éditions limitées et ses expérimentations dans le vieillissement.


    White Oak


    White Oak, officiellement fondée en 1888, produit du whisky depuis 1919, ce qui en fait l’une des plus anciennes distilleries du Japon. Située à Akashi, elle est longtemps restée discrète, mais gagne en notoriété grâce à sa gamme Akashi, qui reflète l’équilibre typique du whisky japonais.

    LES PRINCIPALES RÉGIONS DU JAPON PRODUCTRICES DE WHISKY


    Le Japon, reconnu pour son whisky de renommée mondiale, doit une partie de son succès à la diversité climatique de ses régions productrices.

    Parmi elles, la préfecture de Hokkaido, avec sa distillerie emblématique Yoichi, bénéficie d'un climat frais et maritime, rappelant celui de l'Écosse, berceau du whisky. Cette similitude climatique permet d'obtenir un whisky riche et puissant, aux notes fumées distinctives.

    Plus au sud, la région de Honshu abrite la célèbre distillerie Yamazaki, près de Kyoto, qui profite d'un climat plus tempéré et humide, favorisant un vieillissement plus rapide et donnant naissance à des whiskies doux et subtilement complexes.

    La distillerie Hakushu, également située à Honshu, mais en altitude, tire avantage de températures plus fraîches et d'une eau de source d'une pureté exceptionnelle, produisant un whisky aux arômes frais et floraux.

    Ces différences climatiques à travers le Japon offrent une palette unique de saveurs et de caractères, contribuant à l'unicité et à la richesse du whisky japonais.



    COMMENT SE PASSE LA VULGARISATION DU WHISKY AU JAPON POUR LE GRAND PUBLIC ?

    La vulgarisation du whisky au Japon s'est intensifiée au fil des années, notamment grâce à une stratégie de marketing habile et à l'engouement croissant pour les spiritueux de qualité.

    Les distilleries japonaises, conscientes de l'importance de l'éducation du consommateur, multiplient les visites guidées et les dégustations, permettant de découvrir les subtilités de la production du whisky et de ses différents profils aromatiques.

    Les bars à whisky, répartis dans tout le pays, jouent également un rôle crucial dans cette démarche éducative, offrant une sélection vaste et variée de whiskies japonais (et internationaux), souvent accompagnée d'explications détaillées par des connaisseurs passionnés.

    Les événements dédiés au whisky, tels que le Tokyo Whisky & Spirits Compétition, contribuent aussi énormément à la sensibilisation sur la qualité et la diversité du whisky japonais.

    Le petit écran aura, lui aussi, joué un rôle crucial dans la familiarisation du whisky japonais. La présence de whiskies japonais dans des séries télévisées et des films populaires, comme par exemple Lost in Translation de Sofia Coppola avec le célèbre Bill Murray, qui a propulsé le whisky Hibiki, a également joué un rôle significatif dans leur popularisation auprès du grand public, faisant du whisky japonais un symbole de sophistication et de plaisir. Loin d’un simple effet de mode, le Japon a su s’imposer. Acteur majeur du monde du whisky, le Japon a remporté de nombreux prix dans des concours internationaux et séduit le public le plus exigeant. Ce succès a permis le développement de nombreuses nouvelles distilleries, à la production restreinte mais très qualitative.



    Quelle est la différence entre le whisky écossais et le whisky japonais ?


    Si les processus de production sont pour l’essentiel identiques (double distillation, vieillissement en fûts de chêne pendant trois ans minimum…), le whisky japonais se distingue tout d’abord par les spécificités de ses ressources : une eau très pure, des tourbières aux arômes particuliers. C’est ensuite l’art subtil de l’assemblage qui fait toute la différence, les Japonais apportant un soin tout particulier à l’équilibre des saveurs pour un résultat tout en douceur et harmonie. Pour cela, ils n’hésitent d’ailleurs pas à s’approvisionner en whisky étranger (écossais ou canadien). La législation japonaise diffère de celle d’Écosse.

    Le scotch whisky doit être produit et embouteillé en Écosse, contrairement à son homologue du Pays du Soleil levant. Le whisky japonais doit simplement être assemblé et embouteillé au Japon. Il n’est donc pas rare que les assembleurs recourent à des malts ou des whiskies de grains étrangers.

    Si vous voulez déguster un whisky 100 % japonais, optez pour un pur malt ou single malt indiquant clairement le nom de la distillerie japonaise l’ayant produit.